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ReDream - A la Lanterne Noire

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ValkAngie's avatar
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La route qu'Ulrik, Ashgari et Kirad avaient suivi jusque là n'avait cessé de monter, les forçant à se hisser, presque à la verticale, contre le flanc de la montagne, dans la végétation drue et glacée. Ce n'était que le début de l'après-midi lorsque leur escalade prit fin, en vue d'un petit chalet mais le froid mordant et le vent leur donnait la désagréable impression de ralentir leur déjà pénible ascension. Le chemin s'était un peu élargit, alors qu'il s'aplanissait et ils marchèrent jusqu'au chalet ; une bicoque en bois sombre, assez grande et solide pour soutenir un étage, fichée à l'angle de l'unique long chemin qui serpentait jusque dans les montagnes. Le chalet était presque dépourvu de fenêtres, sa façade seulement percée de quelques ouvertures et d'une massive porte de bois et orné d'une enseigne d'auberge en fer forgé. La bâtisse n'avait déjà rien d'accueillant en elle-même mais le paysage désolé par l'air glacé et ses bourrasques dans lequel elle se dressait la rendait sinistre. Le vent siffla aux oreilles de Kirad, même sous le bandeau d'épaisse fourrure que lui avait cousu Ashgari et il grimaça. Kirad n'avait que peu l'habitude de telles températures et l'écart était encore immense entre le climat doux de la fin de l'été dans la vallée du Sylfaën et ici, dans ses hauteurs. Kirad pressa le col de fourrure de sa cape contre sa gorge et s'assura, les doigts tremblants, que le col haut de son gilet était bien boutonné. Il espérait qu'ils n'auraient pas à se battre dans cette bicoque affreuse et que cette piste qu'ils suivaient depuis Vault, vers les Maitres des Ombres ne les feraient pas s'enfoncer encore plus dans le froid des montagnes. Du moins, pas tout de suite… Ce n'était cependant pas par couardise ; Kirad espérait juste pouvoir prendre le temps de se réchauffer et se reposer de cette épuisante escalade avant de devoir à nouveau ferrailler.
Ashgari rendit à Ulrik la corde qu'il lui avait confié et il la replaça en travers de son torse, sur plusieurs tours. Puis, il s'avança vers la porte, montant les quelques marches, tentant de ne pas faire craquer le bois sous ses pas. Il jeta un regard vers Kirad et Ashgari ; ceux-ci s'armèrent aussitôt en silence et, Ulrik ouvrit la porte. L'intérieur de l'auberge était aussi sombre et étouffant qu'il le paraissait de l'extérieur, malgré la lumière des lampes et du feu dans la cheminée. Une elfe Karellos se tenait près de l'entrée, à nettoyer le bois d'une table, avec un chiffon qu'elle glissa dans la poche de son tablier à leur approche.
— Vous désirez ? leur demanda-t-elle, avec un sourire un peu inquiet.
D'un coup d'œil rodé par l'habitude, Ulrik s'assura qu'elle ne portait aucune arme sur elle.
— Garde Impériale, répondit-il d'un ton formel. Nous procédons à une enquête dans les environs, ça ne prendra que quelques minutes de votre temps.
L'elfe tiqua, posant un regard méfiant sur les armes d'Ashgari et Kirad, avant de leur faire signe de la suivre vers le fond de la grande pièce principale. Là, derrière un long comptoir, se tenait un homme plutôt grand, d'une trentaine d'années en apparence sur son visage hermétique. Ils s'avancèrent jusqu'au comptoir et Ulrik commença, alors que la Karellos se plaçait à côté du tavernier :
— Nous recherchons un groupe de personnes, entièrement vêtues de noir. Elles sont armées et potentiellement dangereuses.
Ulrik jaugea un instant l'expression de leur visage.
— Nous les soupçonnons d'être passés par ici, ces derniers jours. Ne les auriez-vous pas vus ? Ou même hébergés ?
L'homme fronça les sourcils et secoua la tête, négatif.
— Non, personne de la sorte, répondit-il. Nous ne recevons que peu de clients, et…
— Et ils vous paient combien pour mentir ? l'interrompit Ashgari, d'un ton catégorique où ne perçait que faiblement les intonations d'une question.
— Comment ? s'étonna-t-il, presque indigné. Personne ne nous paye pour mentir, je…
Ni Ulrik, ni Kirad n'intervinrent.
— Ah bon, renchérit Ashgari. Vous mentez gratuitement, alors ?
Les joues de l'homme se tintèrent de rouge et il prit une courte inspiration avant de répéter, offusqué :
— Mais je ne mens pas !
Suite à quoi, Ulrik reprit :
— A quand remonte la dernière fois que vous avez vu de l'acier de Defena ?
L'elfe accrocha ses doigts à la manche du tavernier, effrayée.
— De l'aci... Jamais, ce métal est illégal, c'est tout ce que je sais ! bredouilla le tavernier, blême et surpris.
Ashgari poussa un grommèlement.
— Pourquoi vous mentez ? s'offusqua-t-elle. On pose pourtant les questions poliment !
L'expression de leur visage passa de l'incompréhension à la colère.
— Je ne mens pas ! rugit le tavernier.
Ashgari garda un très court instant de silence que personne ne rompit avant qu'elle ne dise :
— Ah, bon. Si vous le dites…  
A son tour, l'homme grommela sa colère dans ses dents. Ulrik reprit, comme pour calmer un peu le débat :
— Qu'y a-t-il à l'étage ?
— C'est là que se trouvent les chambres, répondit la Karellos. Mais…
Ulrik se tourna vers Ashgari qui dit aussitôt :
— Je monte voir.
Et elle prit la direction des escaliers de bois sous le regard inquiet des deux aubergistes.
— Et vous ? demanda Ulrik en se retournant vers eux. Que faites-vous là ?
— Nous sommes les gardiens de ce refuge, répondit l'homme. Nous offrons notre aide aux voyageurs qui souhaitent traverser cette région par les montagnes, contre une rémunération de la part du clan de la Roue…
Il hésita, troublé du regard insistant d'Ulrik.
— Cela dans… dans le cadre de la simplification du commerce entre le Fyalltgardur et le Sylfaën.
Ulrik soupira en dodelinant la tête.
— Vous connaissez au moins votre rôle…
Les sourcils froncés par la méfiance, il désigna un endroit du sol de la salle principale du chalet.
— Qu'est-ce qu'il y a sous cette trappe, là ?
Le tavernier et la Karellos jetèrent un coup d'œil vers le sol et Ulrik porta machinalement une main à son arme ; il gardait toute son attention braquée sur ses deux suspects.

L'étage était aussi sombre que la grande pièce où Ashgari avait laissé Ulrik et Kirad mais elle avança dans le long couloir qu'elle devinait se dérouler devant elle, grâce aux rares rayons de lumière qui passaient sous les portes fermées des chambres. Devant la première, après les escaliers, Ashgari s'arrêta et tint plus fermement le manche de sa dague. Elle donna un simple coup contre le panneau de bois et n'attendit pas d'invitation pour entrer ; petite et sobrement meublée, la chambre était vide d'occupant. Ashgari inspecta le sol, fureta sous le lit, fouilla la petite commode branlante et ne trouva rien. Elle laissa la porte ouverte pour éclairer le couloir et frappa d'un redoutable coup de poing contre le panneau de la chambre d'en face. Là encore, il n'y eut aucune réponse et Ashgari entra. Cette chambre était plus grande et plus décorée que la précédente. Il y avait même un semblant de rideau à l'unique fenêtre. C'était un bout de tissu tout à fait affreux, mais Ashgari n'était pas là pour juger du goût de la décoration et commença à inspecter la chambre. Elle fouilla l'armoire, près de la porte et ne trouva rien de plus suspect que de vieux tirages de presse concernant le Clan de la Roue et les aménagements récents de Vault, sous des couvertures rêches, ainsi que quelques vêtements du même goût douteux que le rideau. Ashgari referma les portes de l'armoire avec un soupir contrarié ; elle souffla le nom d'Androm, entre ses dents et tripota nerveusement un des maillons de sa chaine, pendue à l'attache de son ceinturon. Elle balaya la chambre, du regard et celui-ci se posa sur le lit aux couvertures arrangées à la hâte. Ashgari tira les draps, sans ménagement. Là non plus, il n'y avait rien. Alors elle se baissa et inspecta sous le lit. Il y avait un paquet de tissu sombre qu'elle tira vers elle. Celui-ci était si lourd que la surprise lui fit écarquiller les yeux ; Ashgari s'empressa de défaire les plis du sac. Mais le sac n'en était pas un et la jeune femme sentit la colère lui chauffer les joues alors qu'elle défroissait une immense cape noire dans laquelle étaient enroulées deux tuniques et d'autres vêtements noirs. Elle porta le tout sur le lit et s'étonna encore du poids de simples tissus. Ashgari déballa alors deux longues dagues de métal sombre et curieusement ouvragées. Elle en souleva une dans ses mains et elle n'eut pas de trop de ses deux mains pour en soutenir le poids ; l'arme était si lourde et l'acier si brun qu'il ne faisait aucun doute sur leur origine ; de l'acier de Defena. Et il ne semblait pas à Ashgari que ce métal soit un bon choix pour des couteaux de cuisine… La jeune femme pouffa, narquoise et étala son butin sur le lit. Il n'y avait rien d'autre que ces uniformes noirs, deux capes et ces deux lames pesantes et tarabiscotées. Ashgari passa une des capes par dessus son manteau fourré et ferma l'attache de fer noir ; elle voulait voir quelle sensation cela pouvait procurer de passer l'uniforme d'un Maitre des Ombres. Non pas qu'elle envisageait une réorientation professionnelle, mais peut-être cela l'aiderait à deviner les intentions et les motivations de ceux qu'ils traquaient. Et aussi, comment les débusquer. Walter lui avait conseillé de penser parfois comme son ennemi pour mieux l'atteindre… Ashgari rabattit la capuche sur sa tête et sortit dans le couloir, les deux lourdes dagues dans les mains et le reste des uniformes sur ses deux bras. Elle fouilla les autres chambres ; il ne lui en restait que deux et aucune d'elles ne contenait de plus précieuses preuves que celles qu'elle tenait déjà. Ashgari s'apprêtait à sortir de la dernière chambre lorsque son regard se posa sur une large trace de griffure dans le bois du linteau de la porte. Elle effleura les entailles, du bout des doigts ; les échardes étaient encore visibles, s'arrachant d'un simple contact de la main des plaies laissées dans le bois. C'était les mêmes griffures que celles que Kirad et elle avaient découvert dans le précédent refuge des Maîtres des Ombres, à la périphérie de Vault. Les dents serrées, Ashgari redescendit l'escalier, d'un pas volontairement plus lourd et conquérant. Son regard rencontra d'abord celui d'Ulrik ; l'expression de son visage passa en un instant de la méfiance à la stupeur mais il sembla reconnaître la jeune femme sous les plis de sa capuche car il se tourna vers les taverniers avec colère. S'il leur parla, Ashgari n'y prêta pas attention et elle s'avança vers le comptoir dans le bois duquel elle planta les deux dagues, d'un mouvement sec. Il y eut un instant de silence.
— Je savais bien que vous mentiez, déclara Ashgari, avec insolence.
Elle plissa le regard et scruta les expressions du visage de l'homme et de la Karellos. Ashgari rejeta les autres uniformes sur le sol, à leurs pieds.
— Androm me l'avait dit… ajouta-t-elle, d'une voix grinçante.
Une déclaration qui fit blêmir le tavernier. Ashgari se détourna et laissa le commandant de la garde prendre la suite.
— La possession d'acier de Defena est passible de mort depuis l'année 56, récita Ulrik, impassible. Si vous ne coopérez pas, je pense qu'il n'y aura même pas de procès pour vous deux.
La Karellos contint son souffle et, ni le tavernier ni elle ne prononcèrent un mot, leurs yeux parcourant l'espace, comme ceux de deux proies acculées par leurs rabatteurs. Satisfaite de leur prise, Ashgari se sentait comme un rapace affamé et attendant le moindre geste de tentative de fuite, pour frapper. A côté d'elle, pourtant, Kirad ne partageait pas la fierté du chasseur et ne cessait de lui jeter des regards inquiets, nerveux. Alors qu'elle croisait son regard, il l'évita ; sa haine des Maîtres des Ombres était si farouche, qu'il ne supportait pas de la voir ainsi drapée dans une de leurs pelisses. Ashgari devina son malaise et détacha la cape de ses épaules, laissant le tissu choir sur le sol ; de toute façon, elle n'en avait plus besoin. Kirad se détendit et l'arbalète, dans ses mains, cessa de trembloter.
— Au nom de l'Empereur, vous êtes donc en état d'arrestation, déclara Ulrik.
Le tavernier eut un bref regard vers l'elfe et sortit vivement une lame de sa manche, avec laquelle il tenta de frapper le commandant de la garde. Ce dernier esquiva, surpris et attrapant le poignet de son agresseur tendu vers lui, il y asséna un coup de poing, qui fit craquer les os. L'homme hurla de douleur et lâcha son arme pour tenter de se défaire de la prise du commandant qui lui attrapa les cheveux ; Ulrik lui fit alors rencontrer le comptoir avec la tête. Et le tavernier glissa sur le sol, inconscient, le nez en sang. Kirad tenait l'elfe en joue, ne la quittant pas des yeux ni de la pointe de l'arbalète. L'elfe n'avait pas bougé mais lorsque l'homme tomba à ses pieds, elle fit un pas en arrière, dans la pénombre. Kirad n'eut pas le temps de tirer que l'elfe utilisa sa magie et disparut  soudain.
— Merde, grommela Kirad, en baissant son arbalète.
Il se sentit alors tiré vers l'arrière, par le col de son manteau.
— A terre ! lui cria la voix d'Ashgari en faisait tournoyer une longueur de sa chaine dans son autre main.
Aussitôt, la Karellos réapparut dans l'ombre des poutres du haut plafond et se laissait tomber sur eux, une lame à la main. Ashgari lança sa chaine vers l'elfe et les maillons noirs s'enroulèrent autour de ses épaules ; la jeune femme tira sur le fer et la Karellos chuta lourdement sur le sol dans un grognement étouffé. Sa dague glissa sur le dallage de pierre et Ulrik la retint du pied. Kirad se redressa, l'arbalète à l'épaule et poussa l'elfe sur le dos, de la pointe de la botte. L'étreinte de fer des maillons se desserra et Ashgari ramena sa longue chaine vers elle alors qu'Ulrik passait derrière le comptoir. Il souleva le tavernier, par les bras et l'attira loin de l'ombre, vers un des piliers de la grande salle.
— On va les attacher ici, dit Ulrik. On viendra les récupérer plus tard…
Le commandant adossa son prisonnier, sans ménagement, contre l'épaisse colonne de bois et l'y attacha avec deux tours de la fine corde qu'il avait gardé en bandoulière, après leur escalade. Kirad et Ashgari trainèrent la Karellos vers le même pilier ; elle gémissait, à demi inconsciente et elle fut attachée avec le restant de longueur de la corde, contre le bois.
— Il faut les priver d'ombre, dit alors Ulrik en se redressant et se dirigeant vers les tables de la grande salle. Je ne veux pas qu'ils utilisent leur magie et nous faussent compagnie.
Il arracha une des bougies placée sur les tables et vint les poser près des prisonniers. Ashgari et Kirad l'aidèrent à compléter l'étrange cercle de bougies et ils furent rapidement entourés de lumière, privés d'échappatoire.
— Allez fouiller la cave, ordonna Ulrik à Kirad et Ashgari, sans quitter les captifs des yeux. Je reste ici… Je vais surveiller notre petit feu de camp.
Kirad et Ashgari acceptèrent et retournèrent derrière le comptoir. Ashgari souleva la lourde trappe et la laissa choir bruyamment, contre le sol, dévoilant un escalier aux marches étroites. Elle prit une torche au mur.
— Les dames d'abord, c'est ça ? dit-elle, narquoise, à l'intention de Kirad.
Celui-ci s'arma de son arbalète mais ne répondit que d'un haussement d'épaules. Ashgari soupira et descendit dans le sous-sol glacé.
Tout d’abord, comme je l’ai déjà dit, n'importe quel texte est toujours plus agréable à lire... sans fautes!! Donc, si vous êtes un sniper de fautes d’orthographe/grammaire, je suis toute oreille à vos remarques.
Voilà.

Donc, un nouveau petit texte, co-écrit avec *Hatorik; retranscrit d’une autre partie de la même campagne de jeu que celle commencée avec lui. Ici, on vous cause d’un autre élément du jeu, les bad guys, les Maitres des Ombres et un peu de magie… enfin, un peu.
Qu’y a-t-il sous la trappe ? Beh, une autre trappe, en fait…

Et comme toujours, pour ceux que ça intéresse, *Hatorik ou moi vous expliqueront tous ce que vous pourriez vouloir savoir suite à la lecture de ce texte (même ce qu’il y a sous la trappe, hein). Des questions de contexte, sur les personnages, sur le scénario/campagne en général ou autre ; n’hésitez pas à demander. =) Notre but est de vous faire découvrir et partager notre plaisir à jouer.

Les protagonistes :
- Kirad
- Ashgari
- Commandant Ulrik Mavnas (Oui, je sais, toujours que capitaine sur le dessin, rooh.)
... Je n'ai pas d'illustration des Maitres des Ombres parce qu’ils sont moches. Non, c’est parce que je les ai pas encore fait, ça viendra.
La carte pour suivre où se passe ce que vous lisez :


EDIT : J'avais oublié d'afficher un petit lien pratique pour savoir qu'est ce que l'acier de Defena, et tout ça : [link]

Quand y’en a plus, y’en a encore ; les précédents textes et retranscriptions :

Et puis [link] et [link]

#redream-rpg © *Hatorik
:iconredream-rpg:
© 2011 - 2024 ValkAngie
Comments20
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Louvenya's avatar
*clap clap clap* c'est digne de mes lectures ça *o*

On s'y croirait c'est fou !

Ps : Les autres textes et retranscriptions, j'aime ! C'est du grand art aussi \o/